mardi 8 juillet 2014

ici les chiens parlent et braquent des stations-service

J’ai quand même fini par quitter Ballinamore.
Sur la route pour Athlone, la voiture hurlait qu’il lui fallait de l’essence. Et comme je ne peux rien refuser à la petite Ford que j’ai louée pour trois fois rien, on s’est arrêtés pour faire le plein à l’entrée de Mohill – mille habitants à peine.
Sachez qu’ici les chiens parlent et braquent des stations-service.


Je venais de donner une trentaine de litres d’essence à la Ford, je m’apprêtais à partir, le ciel gris bizarrement planté là pourtant habitué à filer dès que possible se montrait menaçant mais pour une fois la (vraie) menace ne venait pas du ciel mais de cette Jeep verte, arrivée à toute vitesse quelques minutes plus tôt en enjambant le trottoir, un chien dressé à l’arrière ; il faisait le guet. C’est l’impression que j’ai eu, je me suis dit on dirait que ce chien fait le guet, il tournait la tête à droite à gauche sans perdre de vue son maître qui avançait d’un pas vif en direction du magasin, le chien se baissait dès qu’une voiture passait sur la route et se relevait quand elle disparaissait au loin, puis il a regardé en l’air et ce n’est pas le ciel gris menaçant qu’il a vu le chien, mais les deux caméras de surveillance fixées sur le mur du bâtiment adjacent. Et là je pense qu’il a dû avoir peur le chien parce qu’il a tout de suite rappelé son maître qui est sorti étonné, a enlevé sa cagoule, flingue à la main, pourquoi tu m’appelles déjà Buddy? il reste un tas de pognon et des clopes à voler et le chien a eu un mouvement de tête en direction des caméras de surveillance, le maître a compris et il a dit shit et après il a rajouté holy et l’a dit de nouveau holy shit. Le maître qui était un type gras a remis sa cagoule, rangé son flingue dans son pantalon, il éprouvait de la peine à courir avec son poids, le butin et le flingue rangé à hauteur de couilles ; il n’a pas pu s'empêcher de prendre au passage quelques bouteilles d’huile qui traînaient dehors et le chien aboyait de plus en plus fort, ramène-toi gros lard, le maître faisait ce qu’il pouvait ; au loin on entendait la rumeur des sirènes de police, le chien continuait de l’invectiver, remonte dans la Jeep et foutons le camp d’ici. Le maître a enfoncé la pédale de gaz tout au fond, le chien agitait sa petite tête dans tous les sens redoutant les flics et quand ils sont passés devant moi j’ai entendu le chien dire à son maître, queue battante, tout content, les oreilles coiffées par la vitesse que prenait la voiture : on l’a échappé belle.

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