jeudi 31 décembre 2015

44

Le 31 décembre, il ne savait comment interpréter ce petit évènement - hasard, symbole, signe, farce, fatalité? -, il termina la lecture des Illusions perdues.

mercredi 30 décembre 2015

43

La montagne est cernée.
Grâce à l'augmentation du budget de l'armée, nous avons des troupes stationnées en permanence au pied de la montagne, sur les flancs, au sommet. Des canons tous les cents-cinquante mètres, des chars, des hélicoptères et des avions qui survolent la zone.
La neige ne veut pas tomber? Nous continuerons de bombarder la montagne de neige.

mardi 29 décembre 2015

42

Cet écrivain, inconnu, R. Neir, fait de l'exigence envers lui-même son moteur. Il n'écrit que des phrases jamais rencontrées dans ses lectures. Si bien qu'à peine écrites, les relisant, il les efface, méthodiquement.

lundi 28 décembre 2015

41

Comment expliquer que deux automobilistes se percutent rue de la Harpe alors que l'un vit passage des Embruns, travaille rue Jean-Jacques Rousseau et conduit une Toyota rouge tandis que l'autre vit rue du Chenil, ne travaille pas et conduit une voiture grise qui n'est pas la sienne?

*

De même, comment expliquer que ces deux-là (deux autres, un garçon et une fille, la vingtaine) lisent au même instant le même livre (Le Voyage d'hiver) dans le même wagon; elle, lectrice boulimique, et lui, lecteur occasionnel?

dimanche 27 décembre 2015

40

C'est un spot meurtrier. Là-bas, les vagues glissent sur le dos des surfeurs.

samedi 26 décembre 2015

39

Lorsqu'il remarqua que ses bâillements contagiaient son chat plus que sa femme, il demanda le divorce.

jeudi 24 décembre 2015

38

Le jour de Noël, au coin d'un feu, à côté d'un sapin, des millions de personnes à travers le monde ouvrent le même cadeau au même moment: un livre avec le bandeau BEST-SELLER.
Pour des raisons de place ou de sécurité, on limite le nombre de visiteurs autorisés à monter en haut d'un monument, le nombre de spectateurs dans une salle de cinéma ou de théâtre. Un livre peut-il supporter une telle affluence?

mercredi 23 décembre 2015

37

Texte du comité de l'initiative "Pour un Noël avec de la neige":
L'économie de notre pays repose en grande partie sur le tourisme hivernal. Or, depuis une vingtaine d'années, on remarque une nette diminution des chutes de neiges et, par voie de conséquence, une forte augmentation des domaines skiables tombés en désuétude. Un rapport alarmant annonce que ce dérèglement pourrait devenir la norme dans les prochaines années. Si la neige tombe en abondance aux mois de mars et avril, force est de constater que Noël est devenu une fête sans neige. Paradoxalement, la période de Noël est devenue la période creuse pour les stations de ski. Les statistiques le prouvent, 3/4 du chiffre d'affaire est réalisé entre mars et avril. Attachés à nos traditions, nous avons plusieurs fois interpellé le gouvernement sur ce sujet qui refuse de prendre ses responsabilités. L'initiative peut régler ce problème. Si, comme le prédisent certains spécialistes, la période d'enneigement continue de se déplacer vers les mois de mars et d'avril, il nous paraît important de prendre les devants. Nous ne pouvons maîtriser la nature, mais nous pouvons changer le calendrier.
Pour toutes ces raisons, nous proposons que Noël se tienne désormais le 25 mars. Anticipant déjà les réactions de tout un peuple attaché à la date du 25 décembre, nous proposons aussi un décalage complet du calendrier de trois mois. Ainsi le 1er janvier de notre actuel calendrier correspondra au 1er avril du nouveau calendrier proposé par la présente initiative.
Il en va de nos traditions et, surtout, de la survie économique de nos stations de ski, de notre pays. Les générations futures prendront la mesure de l'effort qui aura été fourni si cette initiative est acceptée.
Le 6 mars (le 6 juin…), votez OUI!

lundi 21 décembre 2015

36

Cette année, nous fêtons Noël dehors. Il sera plus aisé de placer les cadeaux sous le grand sapin devant la maison, notre salon étant trop étroit: un bateau pour notre fils Quentin, un cheval pour Julie et une Mini Cooper pour Mick, notre petit dernier.

samedi 19 décembre 2015

35

La journaliste: Tout de même, vous n'êtes pas sérieuse. Les lecteurs ne souhaitent qu'une chose, arriver au bout du livre.
L'auteure: Eh bien, admettez qu'il en existe d'autres qui veulent ne jamais en sortir.

vendredi 18 décembre 2015

34

La journaliste: - Vous ne prétendez tout de même pas que votre livre est un page-turner?Le page-turner demande de la frénésie, des pages lues rapidement, sans se poser de question, du plaisir; le page-turner mène le lecteur à la nuit blanche.
L'auteure: - Du moment que le début appelle la fin, et que la fin peut renvoyer au milieu et qu'à partir du milieu on puisse choisir de retourner au début ou de revisiter la fin... Il me semble que toutes les lectures possibles exigent de tourner, à un moment ou à un autre, les pages. Je suis prête à parier qu'on tourne plus de pages dans mon petit volume de 24 pages que dans ce pavé que vous avez là qui en compte 670.

jeudi 17 décembre 2015

33

- Votre livre est difficile à lire, on avance lentement, on ne comprend pas tout, on a l'impression qu'il s'adresse à une élite, quelque chose échappe au lecteur. C'est ennuyeux, long et sans intérêt. Votre livre, conclut la journaliste, n'est pas un page-turner. C'est pourtant ce que demande le public d'aujourd'hui, tourner les pages!
L'auteure répondit:
Visiblement, vous ne savez tourner les pages et lire que dans un sens. Rappelez-vous comment vous lisiez enfant, cela pourrait vous aider.

mercredi 16 décembre 2015

32

Il exigeait de moi que je l'appelle mon sucre, mon poulet, mon p'tit filet mignon, mon canard, mon muffin.
Aujourd'hui il porte plainte contre moi à cause d'une morsure dans le cou, d'une jambe et d'un pénis arrachés à coups de dents.

*

"Que feriez-vous de quelqu'un nommé Prune ou Madeleine?" lui demanda l'avocat de son mari. Le juge attendait sa réponse en la dévorant du regard.

*

Pierre témoigna en sa faveur.

mardi 15 décembre 2015

31

Depuis qu'est réapparu le soleil, on ne compte plus le nombre de personnes ayant perdu la vue. Allez donc les convaincre, que le soleil, comme vous le prétendez, c'est la vie mais qu'il est dangereux de fixer son reflet dans le lac ou de le regarder dans les yeux.

lundi 14 décembre 2015

30

On vivait mieux sans les coups de soleil et le rhume des foins, sans ces ronces qui poussent anarchiquement et nous piquent. Et ces arbres d'abord nus qui brusquement disparaissent sous des feuilles tour à tour vertes, jaunes, rouges puis sèches? Et ces bestioles qui tournent autour?
Nous n'avons plus nos repères.

vendredi 11 décembre 2015

29

Certains n'ont jamais vu le soleil. La plupart est née dans le smog. Quand le soleil réapparaîtra, il faudra tout recommencer, éduquer, expliquer que la Terre, non, n'est pas plate, c'est une boule d'eau et de sol qui tourne autour d'une autre, de feu; que l'inclinaison miraculeuse de l'axe de la Terre permet la vie (il faudra réapprendre la géométrie et la philosophie, peut-être inventer de nouvelles langues et revenir sur cette question de miracle sans doute); il faudra prouver que les quelques arbres qui restent sont les vestiges de quelque chose qu'on appelait Nature, etc. etc. etc.
Notre société suivra à peu près les avancées qu'on fera dans ces différents domaines. Enfin, je ne veux pas trop m'avancer, ils verront bien, c'est de la musique d'avenir.

jeudi 10 décembre 2015

28

(Suite des conséquences du port du masque)

Les footballeurs cessèrent de cracher. Il devint en revanche impossible de lire sur leurs lèvres les insultes proférées envers l'arbitre - qui d'ailleurs n'avait plus de sifflet.

*

Il arriva que l'anesthésiste confondît patient et chirurgien.

*

Je ne fume plus dehors, c'est pervers, mais chez moi. Mes amis font la même chose. Si bien que tous les airs me paraissent irrespirables. Je ne sais plus où aller. Le masque, décidément indispensable.

*

Quelle joie de tirer la langue au professeur impunément!

*

(Quelle joie de rire sous masque des élèves. De tout temps, ils ont cru qu'on ne remarquait rien, nous les profs, des bêtises qu'il faisaient.)

mercredi 9 décembre 2015

27

On s'accommode bien de ce masque. On ne le sent plus quand on sort; avec cette couche supplémentaire, on a l'impression d'être protégés. Comme si les particules venaient mourir contre, impuissantes. Parfois, on préfère le garder dans l'appartement; il ne gêne pas la communication. Et le soir lorsqu'on se déshabille l'un l'autre, le masque est le dernier vêtement qu'on enlève. Quand les particules griffent les vitres, redécouvrir, chaque nuit, la bouche de l'autre.

mardi 8 décembre 2015

26

La hiérarchie fut renversée quand les populations menacées par la hausse du niveau des océans décidèrent, pour y échapper, de s'implanter aux sommets des montagnes. Les premiers temps furent difficiles, certes. Le froid, une végétation rare, un terrain accidenté et difficilement exploitable.
Aujourd'hui, menacés à notre tour, nous regrettons de ne pas y avoir pensé plus tôt, vivre sur les hauteurs. Nous avons besoin de leur aide.
- Mais cette montagne qui devant nous se dresse.

lundi 7 décembre 2015

25

"Ce n'est pas tellement le personnage de Maigret qui m'intéresse, mais sa femme; je pars à sa recherche", m'avait dit un jour un ami qui commençait une thèse intitulée

A la recherche de Mme Maigret
une enquête derrière celles de son mari, entre présences diffuses et absences nettes

Je n'ai jamais revu cet ami, il doit encore chercher.

samedi 5 décembre 2015

24

Une fillette d'environ six ans sur un quai de gare, les mains en porte-voix: "Ohé, voilà le train!" Mais qui donc de nos jours ose encore s'exprimer ainsi?

vendredi 4 décembre 2015

23

Pour son roman policier, il avait peut-être un peu trop suivi le conseil d'un ami: jouer avec les codes du genre.

Le trench-coat troué 

Un meurtre n'est fatal que pour une personne:
la victime, et quelquefois pour l'assassin!
Dashiell Hammett


Chapitre I

Au fer à cheval d'or, un café sombre de la rue Morgue, un habitué poivrot, Hercule, hurlait contre le serveur:
- Je n'ai jamais commandé un Goldfish!
Le serveur soutenait l'inverse:
- Si
- Mais non!
- Qu'avez-vous commandé alors?
- Le magret du commissaire!
Les cris firent tanguer les banderoles de papier tue-mouche suspendues au plafond.
Un homme en trench-coat entra dans la salle, posa son chapeau sur le zinc, commanda une bière qu'il ne but pas.
Puis la porte une nouvelle fois s'ouvrit: une femme pressée, dans un manteau rouge. Les traits de son visage se relâchèrent, comme si elle était en sécurité, maintenant.
L'homme fouillait dans sa poche, saisit son chapeau. La poche de son trench-coat se troua, de même que le front de la jeune femme.
Il sortit. Il avait quand même payé sa bière.
Hercule, qui ne goûta ni au Goldfisch ni au magret, se lança à sa poursuite.

mercredi 2 décembre 2015

22

Un homme, arrivé à la moitié de la vie, cinquante ans, théoricien de la littérature, décida, dans le cadre d'une étude qu'il menait, de relire, dans le même ordre, tous les livres qu'il avait lus jusque là.

*

Vingt ans plus tard, il avait relu, dans l'ordre exact, tous les livres qui avaient nourri la première moitié de sa vie. Mais ce livre, Ulysse, la deuxième fois que je l'ai lu, réalisa-t-il en consultant son registre, n'était pas le même. Il l'avait relu dans une autre traduction. Il n'avait qu'à tout recommencer.

mardi 1 décembre 2015

21

- Si des livres ont changé ma vie? Je peux certifier que non. Tous participent à me remettre sur le droit chemin dont j'ai commencé à m'écarter à partir du moment où j'ai lu mon premier livre.

lundi 30 novembre 2015

20

Rancard:
Comme nous parlions de nos loisirs, je lui confiai que la lecture de L'Étranger, adolescent, m'avait donné le goût des livres. "Ma vie aurait sans doute été radicalement différente si je ne l'avais pas lu à ce moment précis de mon existence."
- En effet, dit-elle. Elle quitta la table, sortit du restaurant.

samedi 28 novembre 2015

19

Un remède, un seul, pour couvrir les disputes des voisins: Simon & Garfunkel, The sound of silence.

*

Un jour j'essaierai avec John Cage, 4'33''.

vendredi 27 novembre 2015

18



Pourquoi pourquoi pourquoi les choses ne peuvent-elles pas - une fois, juste une fois! - coïncider? Était-ce si compliqué de construire le monument à l'endroit-même où la carte l'exigeait? Qu'est-ce qui justifie un tel décalage? Un bison qui broutait là? Tout de même, c'est un désert! Une carcasse de coyote qu'on n'osait pas déplacer?

*

Soit. Cette imprécision suffit; il faut remettre en cause toutes les frontières.

*

Autoriserait-on un criminel, à qui l'on aurait interdit de quitter l'Utah, de se rendre au centre du monument, c'est-à-dire au Nouveau-Mexique?

*

L'imprécision des frontières n'existe pas quand il s'agit de parquer sa voiture, planter un arbre, construire une annexe, tirer sur son voisin qui a marché sur vos plates-bandes, renvoyer des étrangers, bombarder.

jeudi 26 novembre 2015

17

Cette chaîne d'info à la télévision: des textes déroulants au bas de l'écran; d'autres infos en marge qui changent sans cesse; à l'image, des hommes vieux (ou experts?), une femme jeune au milieu tenant un stylo et, difficilement, le débat; champ contre champ, changement de plan; un président, derrière eux, comme illustration de leurs dires. Son coupé, on ne sait si ce qui importe sort de la bouche des personnages ou dans les textes défilant, toujours les mêmes, aux limites du cadre.

*

Est-ce cette image de président qui commande leurs paroles, rapportées brièvement, au bas de l'écran, en rouleaux?
Sommes-nous si stupides qu'il nous faille texte, image et son superposés?
Rien ne se contredit. Pas même ceux censés le faire.

mercredi 25 novembre 2015

16

Tentative d'écriture d'un GIF animé (image animée qui se répète sans cesse)


Derrière lui il laisse des traces lorsqu'il nettoie les traces qu'il laisse derrière lui.

*

Derrière lui il laisse des traces lorsqu'il nettoie les traces qu'il laisse derrière lui, infiniment.
(adverbe superflu?)

*

nettoyer = laisser des traces
nettoyer laisse des traces
laisser des traces nettoie

*

Il faudrait un mot qu'on puisse lire dans les deux sens, conservant les vertus de lisibilité du palindrome, mais qui changerait de sens (de signification) suivant le sens (de gauche à droite ou de droite à gauche) dans lequel on le lirait. Un faux mot-miroir signifiant nettoyer lorsque lu de gauche à droite, et salir (laisser des traces) en sens inverse. Un mot-miroir déformant.

*

Si vous avez connaissance d'un mot avec une telle puissance, faites-moi signe. Stylo-effaceur n'est pas assez convaincant.





*


Un mot qui sitôt écrit s'annule 
effacer
silence


*

invisible

mardi 24 novembre 2015

lundi 23 novembre 2015

14

- Dèmos, écoutez-nous! Respectez les 10 % qui ont voté blanc et les 41 % qui ont décidé de s'abstenir! Respectez la majorité! Notre voix doit être entendue. Nous demandons à être représentés.
- Je vous entends, difficilement, mais je vous entends, répondit-il. Hélas, je doute qu'un fantôme ou une main invisible, même démocratiquement élu, soit capable de gouverner.

samedi 21 novembre 2015

13

L'hélicoptère, en soi, ne me fait pas peur; mais son siège éjectable...

vendredi 20 novembre 2015

12

Hier était un jour sans
Est-ce que cela suffit pour aujourd'hui
Voyons demain

Jour après jour ajouter à la confusion

mercredi 18 novembre 2015

11

Il avait écouté à la radio toutes les émissions, tous les débats, les reportages, les entretiens, tout tout tout ce qui traitait des récents évènements. Et puis, au bout de cinq jours, fatigué, désespéré, perdu, submergé de voix qui n'étaient pas la sienne propre et l'étouffaient et l'enfermaient, il prit sa télécommande, appuya sur ce bouton jamais utilisé jusqu'à aujourd'hui, neuf, rigide, difficile à enfoncer: mute:









mardi 17 novembre 2015

10

Qu'il devait être étrange de faire le tour du monde quand la Terre était encore plate.

vendredi 13 novembre 2015

8

Longtemps notre fille a cru qu'elle avait le droit de boire de l'alcool dans notre salle de bain de l'Ohio.


© Google


jeudi 12 novembre 2015

7

© Google


State line road, une longue route droite, une grande ligne d'Amérique, frontière entre l'Ohio et la Pennsylvanie.
Comme si un coup de crayon sur la carte pouvait fendre le territoire.

mercredi 11 novembre 2015

6

Un scandale qui n'en était pas un survint. Le traitement journalistique lui-même du scandale n'en était pas un, sinon il n'y en aurait pas eu.

Lassée de la place que prenaient les scandales dans le débat public et ayant foi dans son métier, une journaliste créa le dernier buzz. Elle révélait que Gérard Dèmos présenterait une série de mesures qui changeraient le visage des médias. Les jours et les semaines qui suivirent, après avoir spéculé sur les moyens qu'emploierait Gérard Dèmos, sur les changements que cela occasionnerait au sein de la profession, sur les éventuels licenciements et les pertes financières dans le milieu, tous les médias réfléchirent à leurs fondements, à leurs moyens, à leur forme et à leurs visées.
Il ne fut plus question que de cela, la pratique du journalisme. Il n'y eut plus ni fait divers, ni scandale politique ni aucune page consacrée à des célébrités sans que - explicitement ou en filigrane - ne fussent posées les questions: "Qu'est-ce que le journalisme? Que doit-être le journalisme?"

mardi 10 novembre 2015

5

Un documentaire sur la campagne électorale de Gérard Dèmos sortit quelques mois après son élection, en quatre parties:

I) Échauffement: primaires du parti
II) Marathon: au coeur de la campagne
III) Sprint final: convaincre les indécis
IV) Victoire

Le réalisateur le questionnait sur son état physique, sa capacité à gérer la pression, l'endurance nécessaire à une telle épreuve; comment envisageait-il la possibilité de terminer sur la deuxième marche du podium, quel regard portait-il sur son principal adversaire, sa tactique, la gestion du calendrier, comment ménager ses efforts...
Les chefs de rayons des magasins multimédia ne furent pas dupes. Ils rangèrent le DVD au rayon "sport", "divertissement"; rarement au rayon "politique".

lundi 9 novembre 2015

4

Se posa rapidement le problème de la représentativité.
Comment représenter tous ceux qui avaient voté pour qu'il les représente alors qu'il ne parvenait pas à se les représenter?

dimanche 8 novembre 2015

3

Sous Gérard Dèmos, pour la première fois de son histoire, le pays atteignit le plein-emploi. Autorités politiques et entreprises travaillèrent ensemble si efficacement que le chômage, durant une certaine période, n'exista plus. Mais les employés d'agences d'intérim et les fonctionnaires des offices de placement, n'ayant plus rien à faire, furent licenciés.

"Plein-emploi: situation où les uns perdent leur travail parce que les autres en ont trouvé, précisément parce que le travail des uns consistait à aider les autres à en trouver", tel fut l'explication de Gérard Dèmos à un journaliste, déconcerté, qui l'interrogeait sur la récente augmentation du taux chômage.

samedi 7 novembre 2015

2

Gérard Dèmos venait d'être élu président d'un pays démocratique et avait donc été démocratiquement élu. Ses électeurs, affirmait un analyste à la veille, au soir et au lendemain de son élection, sont essentiellement de la tranche des 18-90 ans. C'était d'ailleurs le principal point de son programme électoral: se faire le porte-voix des gens de cette tranche d'âge, tellement négligés par les précédents gouvernements. Son principal rival, Patrick Perdu, dont le discours s'adressait aux 0-17 ans et aux 90-115 ans semble ne pas avoir réussi à convaincre les électeurs, poursuivait l'analyste.

vendredi 6 novembre 2015

1

"Ton heure sera la mienne", dit Paul à Pierre en parlant de leur rendez-vous du lendemain. Effectivement, son heure fut la sienne; à tel point qu'arrivés sur le lieu de rendez-vous, le quai n°1, ce fut leur heure à tous les deux, écrasés par un wagon qui déraillait.
C'était le train de 16h04 qui venait d'entrer en gare, avec deux minutes d'avance.

jeudi 5 novembre 2015

0 - Vers un blog chaque jour plus désuet

Ce blog, vous l'avez remarqué, tombe en désuétude - ou plutôt vous ne l'avez pas remarqué puisque, tombant en désuétude, vous n'y venez plus depuis longtemps. Donc, je vous informe, si cela fait longtemps que vous n'êtes plus passés par là, que ce blog, effectivement, contrairement à ce que voudrait faire croire ce billet qui parle contre ce que je veux dire, tombe en désuétude. J'use de ce blog pour vous le dire.

*

Le format du blog a cet avantage que chaque jour, le texte tombe en désuétude, remplacé par un autre. Le texte n'a rien d'actuel. Seule la page est à actualiser.

*

Un homme désespéré de l'usage que les autres hommes faisaient du langage dit un jour "Je me tais", et il ne parla plus. Seulement, ses derniers mots, qui avaient bel et bien été prononcés lui firent réaliser qu'il pervertissait lui aussi le langage, l'utilisant pour dire l'inverse de ce que - je tombe moi-même dans ce piège. Tant pis. Je n'ai pas la prétention de me taire. Il avait fallu - pour cet homme - parler pour se taire. Insupportable idée. Il porta à son égard le coup fatal: se trancher la gorge. Désormais, seul du sang sortait de sa bouche. On peut penser qu'il a réussi. On peut aussi penser que sang est un mot, et que cet homme ne cesse d'en déverser. Quel échec.

*

Ce blog prend une direction et se donne une discipline nouvelles avec chaque jour de nouveaux et aussitôt périmés textes, forcément plus brefs, à l'image de ceux-ci.
Pour le simple plaisir de se pianoter le cerveau et d'utiliser le clavier.

mercredi 10 juin 2015

La peur de l'avion déboussole


J'ai quand même quitté l'Irlande.
A bord, déjà un peu ivre, j'ai immédiatement commandé quelques unes de ces petites bouteilles de 4cl de Jameson pour me guérir du trajet en avion; j'ai liquidé mes dernières pièces (le jeu de mots ne fonctionne pas dans mon anglais mais l'hôtesse a souri); j'ai peur de l'avion; je préfère l'ivresse à l'angoisse; les heures en avion sont les seules heures que je refuse de vivre


si bien qu'en me réveillant, j'étais incapable de dire si l'on arrivait à Genève ou si l'on quittait Dublin; la verdure, l'altitude, les maisons, la piste... le monde était le même qu'avant mon sommeil. Il a fallu que le couple à côté se dispute à propos du nom de la commune que nous étions en train de survoler pour comprendre que l'atterrissage était imminent et l'Irlande bien loin déjà.