lundi 30 novembre 2015

20

Rancard:
Comme nous parlions de nos loisirs, je lui confiai que la lecture de L'Étranger, adolescent, m'avait donné le goût des livres. "Ma vie aurait sans doute été radicalement différente si je ne l'avais pas lu à ce moment précis de mon existence."
- En effet, dit-elle. Elle quitta la table, sortit du restaurant.

samedi 28 novembre 2015

19

Un remède, un seul, pour couvrir les disputes des voisins: Simon & Garfunkel, The sound of silence.

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Un jour j'essaierai avec John Cage, 4'33''.

vendredi 27 novembre 2015

18



Pourquoi pourquoi pourquoi les choses ne peuvent-elles pas - une fois, juste une fois! - coïncider? Était-ce si compliqué de construire le monument à l'endroit-même où la carte l'exigeait? Qu'est-ce qui justifie un tel décalage? Un bison qui broutait là? Tout de même, c'est un désert! Une carcasse de coyote qu'on n'osait pas déplacer?

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Soit. Cette imprécision suffit; il faut remettre en cause toutes les frontières.

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Autoriserait-on un criminel, à qui l'on aurait interdit de quitter l'Utah, de se rendre au centre du monument, c'est-à-dire au Nouveau-Mexique?

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L'imprécision des frontières n'existe pas quand il s'agit de parquer sa voiture, planter un arbre, construire une annexe, tirer sur son voisin qui a marché sur vos plates-bandes, renvoyer des étrangers, bombarder.

jeudi 26 novembre 2015

17

Cette chaîne d'info à la télévision: des textes déroulants au bas de l'écran; d'autres infos en marge qui changent sans cesse; à l'image, des hommes vieux (ou experts?), une femme jeune au milieu tenant un stylo et, difficilement, le débat; champ contre champ, changement de plan; un président, derrière eux, comme illustration de leurs dires. Son coupé, on ne sait si ce qui importe sort de la bouche des personnages ou dans les textes défilant, toujours les mêmes, aux limites du cadre.

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Est-ce cette image de président qui commande leurs paroles, rapportées brièvement, au bas de l'écran, en rouleaux?
Sommes-nous si stupides qu'il nous faille texte, image et son superposés?
Rien ne se contredit. Pas même ceux censés le faire.

mercredi 25 novembre 2015

16

Tentative d'écriture d'un GIF animé (image animée qui se répète sans cesse)


Derrière lui il laisse des traces lorsqu'il nettoie les traces qu'il laisse derrière lui.

*

Derrière lui il laisse des traces lorsqu'il nettoie les traces qu'il laisse derrière lui, infiniment.
(adverbe superflu?)

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nettoyer = laisser des traces
nettoyer laisse des traces
laisser des traces nettoie

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Il faudrait un mot qu'on puisse lire dans les deux sens, conservant les vertus de lisibilité du palindrome, mais qui changerait de sens (de signification) suivant le sens (de gauche à droite ou de droite à gauche) dans lequel on le lirait. Un faux mot-miroir signifiant nettoyer lorsque lu de gauche à droite, et salir (laisser des traces) en sens inverse. Un mot-miroir déformant.

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Si vous avez connaissance d'un mot avec une telle puissance, faites-moi signe. Stylo-effaceur n'est pas assez convaincant.





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Un mot qui sitôt écrit s'annule 
effacer
silence


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invisible

mardi 24 novembre 2015

15

Il parle de lui à la troisième personne.
Mais qui parle ici?

lundi 23 novembre 2015

14

- Dèmos, écoutez-nous! Respectez les 10 % qui ont voté blanc et les 41 % qui ont décidé de s'abstenir! Respectez la majorité! Notre voix doit être entendue. Nous demandons à être représentés.
- Je vous entends, difficilement, mais je vous entends, répondit-il. Hélas, je doute qu'un fantôme ou une main invisible, même démocratiquement élu, soit capable de gouverner.

samedi 21 novembre 2015

13

L'hélicoptère, en soi, ne me fait pas peur; mais son siège éjectable...

vendredi 20 novembre 2015

12

Hier était un jour sans
Est-ce que cela suffit pour aujourd'hui
Voyons demain

Jour après jour ajouter à la confusion

mercredi 18 novembre 2015

11

Il avait écouté à la radio toutes les émissions, tous les débats, les reportages, les entretiens, tout tout tout ce qui traitait des récents évènements. Et puis, au bout de cinq jours, fatigué, désespéré, perdu, submergé de voix qui n'étaient pas la sienne propre et l'étouffaient et l'enfermaient, il prit sa télécommande, appuya sur ce bouton jamais utilisé jusqu'à aujourd'hui, neuf, rigide, difficile à enfoncer: mute:









mardi 17 novembre 2015

10

Qu'il devait être étrange de faire le tour du monde quand la Terre était encore plate.

vendredi 13 novembre 2015

8

Longtemps notre fille a cru qu'elle avait le droit de boire de l'alcool dans notre salle de bain de l'Ohio.


© Google


jeudi 12 novembre 2015

7

© Google


State line road, une longue route droite, une grande ligne d'Amérique, frontière entre l'Ohio et la Pennsylvanie.
Comme si un coup de crayon sur la carte pouvait fendre le territoire.

mercredi 11 novembre 2015

6

Un scandale qui n'en était pas un survint. Le traitement journalistique lui-même du scandale n'en était pas un, sinon il n'y en aurait pas eu.

Lassée de la place que prenaient les scandales dans le débat public et ayant foi dans son métier, une journaliste créa le dernier buzz. Elle révélait que Gérard Dèmos présenterait une série de mesures qui changeraient le visage des médias. Les jours et les semaines qui suivirent, après avoir spéculé sur les moyens qu'emploierait Gérard Dèmos, sur les changements que cela occasionnerait au sein de la profession, sur les éventuels licenciements et les pertes financières dans le milieu, tous les médias réfléchirent à leurs fondements, à leurs moyens, à leur forme et à leurs visées.
Il ne fut plus question que de cela, la pratique du journalisme. Il n'y eut plus ni fait divers, ni scandale politique ni aucune page consacrée à des célébrités sans que - explicitement ou en filigrane - ne fussent posées les questions: "Qu'est-ce que le journalisme? Que doit-être le journalisme?"

mardi 10 novembre 2015

5

Un documentaire sur la campagne électorale de Gérard Dèmos sortit quelques mois après son élection, en quatre parties:

I) Échauffement: primaires du parti
II) Marathon: au coeur de la campagne
III) Sprint final: convaincre les indécis
IV) Victoire

Le réalisateur le questionnait sur son état physique, sa capacité à gérer la pression, l'endurance nécessaire à une telle épreuve; comment envisageait-il la possibilité de terminer sur la deuxième marche du podium, quel regard portait-il sur son principal adversaire, sa tactique, la gestion du calendrier, comment ménager ses efforts...
Les chefs de rayons des magasins multimédia ne furent pas dupes. Ils rangèrent le DVD au rayon "sport", "divertissement"; rarement au rayon "politique".

lundi 9 novembre 2015

4

Se posa rapidement le problème de la représentativité.
Comment représenter tous ceux qui avaient voté pour qu'il les représente alors qu'il ne parvenait pas à se les représenter?

dimanche 8 novembre 2015

3

Sous Gérard Dèmos, pour la première fois de son histoire, le pays atteignit le plein-emploi. Autorités politiques et entreprises travaillèrent ensemble si efficacement que le chômage, durant une certaine période, n'exista plus. Mais les employés d'agences d'intérim et les fonctionnaires des offices de placement, n'ayant plus rien à faire, furent licenciés.

"Plein-emploi: situation où les uns perdent leur travail parce que les autres en ont trouvé, précisément parce que le travail des uns consistait à aider les autres à en trouver", tel fut l'explication de Gérard Dèmos à un journaliste, déconcerté, qui l'interrogeait sur la récente augmentation du taux chômage.

samedi 7 novembre 2015

2

Gérard Dèmos venait d'être élu président d'un pays démocratique et avait donc été démocratiquement élu. Ses électeurs, affirmait un analyste à la veille, au soir et au lendemain de son élection, sont essentiellement de la tranche des 18-90 ans. C'était d'ailleurs le principal point de son programme électoral: se faire le porte-voix des gens de cette tranche d'âge, tellement négligés par les précédents gouvernements. Son principal rival, Patrick Perdu, dont le discours s'adressait aux 0-17 ans et aux 90-115 ans semble ne pas avoir réussi à convaincre les électeurs, poursuivait l'analyste.

vendredi 6 novembre 2015

1

"Ton heure sera la mienne", dit Paul à Pierre en parlant de leur rendez-vous du lendemain. Effectivement, son heure fut la sienne; à tel point qu'arrivés sur le lieu de rendez-vous, le quai n°1, ce fut leur heure à tous les deux, écrasés par un wagon qui déraillait.
C'était le train de 16h04 qui venait d'entrer en gare, avec deux minutes d'avance.

jeudi 5 novembre 2015

0 - Vers un blog chaque jour plus désuet

Ce blog, vous l'avez remarqué, tombe en désuétude - ou plutôt vous ne l'avez pas remarqué puisque, tombant en désuétude, vous n'y venez plus depuis longtemps. Donc, je vous informe, si cela fait longtemps que vous n'êtes plus passés par là, que ce blog, effectivement, contrairement à ce que voudrait faire croire ce billet qui parle contre ce que je veux dire, tombe en désuétude. J'use de ce blog pour vous le dire.

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Le format du blog a cet avantage que chaque jour, le texte tombe en désuétude, remplacé par un autre. Le texte n'a rien d'actuel. Seule la page est à actualiser.

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Un homme désespéré de l'usage que les autres hommes faisaient du langage dit un jour "Je me tais", et il ne parla plus. Seulement, ses derniers mots, qui avaient bel et bien été prononcés lui firent réaliser qu'il pervertissait lui aussi le langage, l'utilisant pour dire l'inverse de ce que - je tombe moi-même dans ce piège. Tant pis. Je n'ai pas la prétention de me taire. Il avait fallu - pour cet homme - parler pour se taire. Insupportable idée. Il porta à son égard le coup fatal: se trancher la gorge. Désormais, seul du sang sortait de sa bouche. On peut penser qu'il a réussi. On peut aussi penser que sang est un mot, et que cet homme ne cesse d'en déverser. Quel échec.

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Ce blog prend une direction et se donne une discipline nouvelles avec chaque jour de nouveaux et aussitôt périmés textes, forcément plus brefs, à l'image de ceux-ci.
Pour le simple plaisir de se pianoter le cerveau et d'utiliser le clavier.