Tiens, me dis-je en posant le pied par terre ce matin, tâtonnant pour trouver mon verre d'eau, écoutant les oiseaux, les voitures, la machine à café des voisins, la porte de l'immeuble claquer - la journée aura commencé sans moi.
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lundi 31 octobre 2016
jeudi 27 octobre 2016
263
Et si vous vous endormez devant cette autobiographie, sachez que son auteur n'a pas eu ce luxe. Ni au moment de vivre les évènements, ni au moment de les écrire.
mardi 25 octobre 2016
262
Un homonyme, Tristan Blanc, publia une autobiographie en son nom, ou le mien puisque depuis longtemps j'avais adopté ce pseudonyme. Son autobiographie manquait de rigueur, elle me faisait naître à Tolmin en Slovénie de façon un peu précoce - à l'en croire j'aurais aujourd'hui trente-trois ans. De plus, n'ayant pas de descendance il me présentait comme, je cite, "un père irresponsable et un mari terne". Je me découvris aussi cruciverbiste à 100 % et éleveur de phasmes dans mon temps libre. Quelle vie.
lundi 24 octobre 2016
261
D'ailleurs, toujours en ce qui concerne mon autobiographie (provisoirement intitulée Autobiographie en couleur), je peinai à choisir entre une encre bleue, rouge ou noire. J'avais d'abord pensé écrire en rouge les moments difficiles de mon existence, en noir les moments ordinaires et en bleu tout ce qui m'avait été agréable. Rapidement, m'apparurent les limites d'un tel procédé: je racontai en rouge le jour où un employeur m'annonça qu'il avait choisi un autre candidat plus qualifié. Après réflexion, je me dis que cet autre candidat, s'il tombait sur mon livre, aurait pu se sentir offensé de lire en rouge ce qu'il aurait certainement voulu lire en bleu. Je récrivis donc en bleu les passages en rouge. Et je renversai mon système de couleurs ne sachant plus très bien aujourd'hui quelle tranche de ma vie fut malheureuse, quels furent mes moments de joie. Maints instants banals se mirent à briller. Et tout ce qui était resté en blanc, entre les lignes, tout ce que je n'avais pas écrit car pas vécu, tient sur la page, se mariant parfaitement avec le reste.
vendredi 21 octobre 2016
260
Mon tourment commença le jour où j'entendis cette annonce dans le métro: "Veuillez ne pas prendre en compte les horaires affichés aux arrêts." J'attendais le métro de 8h04 en sachant pertinemment maintenant qu'il arriverait à toute heure exceptée celle indiquée. Le métro de 8h04, c'était une certitude n'arriverait pas à 8h04; midi peut-être, 5h50 possiblement, pourquoi pas 8h01.
Depuis cette annonce, j'entretiens un rapport un peu compliqué avec la réalité. Je doute de tous les panneaux d'autoroute; Pour me rendre à Vevey, je prends la sortie n°17 parce que je ne peux plus me fier au panneau qui indique "Vevey sortie n°14". D'ailleurs rien ne me prouve que Vevey corresponde effectivement à Vevey, il peut s'agir de New York, Villa del Rosario, Chalon-sur-Saône ou Ibbenbüren. Et que faire des limitations de vitesse? Faut-il faire confiance au témoin qui m'ordonne d'aller mettre de l'essence?
mercredi 19 octobre 2016
259
Aujourd'hui n'a aucune raison de figurer dans cette autobiographie. Retournons à la réalité, vite.
mardi 18 octobre 2016
258
Il me paraît en effet plus juste de commencer mon autobiographie par une page blanche, afin de coller au mieux à mon caractère discret et effacé. Mais voici que déjà je me contredis, comme je me contredis le jour de ma naissance: moi qui aspirais à une vie sans éclats, cherchant à ne choquer personne, à ne pas déranger, à respecter les autres comme on me l'apprendrait plus tard, je ne pus m'empêcher de faire un scandale, de crier et de pleurer en voyant la lumière du jour, d'agiter les bras et les jambes; impudique, je me présentais nu, on me couvrit; je crois bien avoir craché du liquide sur la chemise propre de la sage-femme; il fallut me nettoyer la bouche; la sage-femme d'ailleurs me remit tout de suite entre les mains de ma mère, ne sachant plus trop quoi faire de moi.
lundi 17 octobre 2016
257
Je m'aperçus que je n'avais pas enregistré les dernières modifications, et qu'elles étaient perdues. Mon autobiographie, amputée de ces évènements évanouis, faisait ainsi du surplace, revenait en arrière. Moi aussi.
*
Chaque jour désormais, j'écris un passage de mon autobiographie que je n'enregistre pas pour repousser la fin.
vendredi 14 octobre 2016
256
Au musée d'art contemporain, l'installation est la suivante: une femme remplit jour après jour une salle avec des bouteilles vides jusqu'à ce que, écrasée par le vide en bouteilles, tout mouvement lui devienne impossible. Il va sans dire qu'il n'y a pas beaucoup de places pour les visiteurs.
jeudi 13 octobre 2016
255
Aujourd'hui, j'avais pourtant prévu une véritable histoire avec du suspens, des personnages, un meurtre dans une ruelle, et la presque résolution de cette affaire par un inspecteur ordinaire, aimablement alcoolique. À la fin, pour le plaisir du lecteur, il devait rester encore quelques zones d'ombre (par exemple, on ne saurait pas pourquoi le tueur avait sur lui des faux-papiers du nom d'un président américain au moment de son interpellation; de même demeurait inconnue la raison pour laquelle la victime se promenait avec un pot de fleurs au moment du drame). Mais la pluie qui s'abat depuis ce matin a effacé tout ce que j'avais noté dans mon carnet.
mercredi 12 octobre 2016
254
Prenez votre plus belle autobiographie, videz-la de vous-même et voyez ce qu'il reste: le monde ou le vide?
mardi 11 octobre 2016
253
Quelqu'un que je ne connais pas m'a mandaté pour écrire son autobiographie, quelqu'un que je ne connais pas et, qui sait, peut-être n'existe même pas. Naturellement j'ai accepté. Je ne sais ni son nom ni son prénom, il n'a pas donné de lieu ni de date de naissance pas plus qu'un signe astrologique, une passion ou quoique ce soit qui pourrait m'aider à mieux le cerner. En son nom, je vais donc prendre appui et écrire sur mon expérience, sur ma vie, en espérant, par chance, toucher juste. Ce sera l'occasion de me découvrir comme on ne m'a jamais vu. Moi-même, j'imagine, serai bien en peine de me reconnaître.
lundi 10 octobre 2016
252
Aucune place ne porte mon nom, aucune rue, aucun boulevard, aucun square, aucun enfant, aucune femme, aucun livre, aucun scandale, aucun casier judiciaire, aucune tombe. Et pourtant j'ai fait le tour du monde. Le tour du monde en toute discrétion, sur la pointe des pieds.
samedi 8 octobre 2016
251
Et nous donc, la Terre, à quelle constellation sommes-nous rattachés, brillons-nous assez pour contribuer au dessin d'une casserole, d'un capricorne, d'un ours; n'y aurait-il pas une petite place pour nous, rallier Pégase, déformer ou parachever Orion à qui il manque un bras, un oeil, prolonger le cou du Cygne?
vendredi 7 octobre 2016
250
Tel l'éléphant maladroit ou plutôt habile (qui jugera?) au cirque en équilibre sur un ballon, dont on ne sait pas si c'est lui qui imprime le mouvement à la balle ou si c'est cette dernière qui le contraint à avancer dans le vide pour ne pas tomber, me voilà pris au piège de cette petite planète - La Terre est ronde - lancée il y a 250 jours, chaque matin me ramenant au même endroit avec cette même volonté ou obligation de continuer à la faire tourner.
jeudi 6 octobre 2016
249
Puis, pour remédier au chaos du calendrier aléatoire, Gérard Dèmos proposa un calendrier démocratique où la majorité déciderait du jour à vivre.
mercredi 5 octobre 2016
248
Tristan Blanc
Il était pourtant là il y a peu. Tristan Blanc était juste là, je pouvais le voir, vous-mêmes en êtes témoins, il occupait tout l'espace, on ne voyait que lui, on s'apprêtait à le suivre, à l'écouter. Il a dû s'échapper, trop orgueilleux sans doute pour figurer ici, irrespectueux envers moi qui prends sur mon temps pour le mettre en lumière, sans égards pour vous qui vous êtes déplacés pour le voir. De tels manquements. Me voilà confus. Du Tristan Blanc dans toute sa nullissime splendeur. On fera sans lui.
mardi 4 octobre 2016
247
Puis je fis une nouvelle victime de crainte qu'on impute mon meurtre précédent à quelqu'un d'autre. Et une autre et encore une autre. J'avais beau m'acharner, laisser des indices, ne pas mettre de gants, disséminer mes coordonnées sur les différents lieux du crime, y déposer des bouquets de fleurs de la boutique de mon père, jamais on ne remonta jusqu'à moi, jamais! Aujourd'hui on dénombre cinquante victimes et autant de suspects. Moi qui voulais simplement réparer une erreur, prévenir une injustice, mettre fin à une tragique confusion. Ainsi peut-être naissent les tueurs en série.
lundi 3 octobre 2016
246
Comme si le calendrier avec ses images de biches, de cerfs et d'étourneaux ne suffisait pas, il faut encore que tu en rajoutes chaque jour, en dessous de la date, pour souligner un peu plus encore ce que tout le monde avait déjà remarqué et regrette: les jours passent.
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