jeudi 7 janvier 2016

51

C'est bien simple, les hommes l'attendaient dans vingt minutes à l'entrepôt, avec les quinze-mille francs exigés pour libérer sa femme et sa fille. Il venait de jouer ses cinq-cents derniers sur le dix-sept. Rien ne va plus. La bille tournait. Dans tous les cas, il n'y avait rien de grave.

*

Il arriva à l'entrepôt, il portait une mallette. Les hommes, encagoulés, mitraillettes à la main, la femme et la fille bâillonnées, attachées à un poteau, le regardaient approcher. Il avait l'argent? Il ne répondait rien. Il déposa la mallette sur la table qu'on lui désignait. Il était physicien et croyait aux univers parallèles. À cet instant précis, la mallette était aussi bien pleine que vide.

mercredi 6 janvier 2016

50

Dans sa jeunesse, il était devenu roi en croquant dans une fève.
Aujourd'hui, chaque matin, un peu superstitieux ou cherchant à légitimer son siège à la tête de l'État, Gérard Dèmos place une fève dans son pain de mie.

mardi 5 janvier 2016

49

"Répéter l'alarme" "Ne pas s'appuyer contre la porte" "Briser la vitre en cas d'incendie" "Mendicité interdite" "Sonnez avant d'entrer" "Ne pas donner de pain aux canards" "Consommation obligatoire" "À notre aimable clientèle, nous ne faisons pas crédit" "Payer, c'est respecter" "Rupture de stock" "En panne" "Hors-service" "Retard environ 16 minutes" "Train supprimé" "Ne pas traverser les voies" "Ne pas s'approcher des fils, danger de mort"


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Il passait une mauvaise journée. C'était écrit.

lundi 4 janvier 2016

48

Arrivés sur Terre, les extraterrestres perdirent leurs illusions. Ce qu'ils avaient pris pour des soleils, des galaxies, des constellations et des étoiles filantes n'étaient en réalité que des immeubles et des places illuminés, des phares à brouillard et des feux de circulation, des réverbères posés le long des autoroutes, des vitrines de magasins, des néons de call center, des enseignes de grandes banques.

dimanche 3 janvier 2016

47

Je ne veux plus aller au théâtre, dit le ministre de la culture à Gérard Dèmos. La dernière pièce que j'ai vue m'a traumatisé, je crois que je ne comprends rien au théâtre contemporain. La pièce s'appelait Partie de bowling. Le premier acte, intéressant; quatre amis s'apprêtent à commencer une partie de bowling, ils éprouvent les plus grandes peines à trouver les bonnes chaussures, ils rient les uns des autres de leur allure, des tensions se créent au sein du groupe. Je m'attendais à une pièce contemporaine mais avec des ressorts classiques comme on en fait rarement aujourd'hui. Evidemment, je me trompais. Ce que j'ai vu, Gérard, est indigne. Doit-on encore financer cela? Au deuxième acte... Je n'y avais pas pensé en voyant le décor, c'était pourtant flagrant. S'il y avait quatre personnages qui voulaient jouer au bowling, il fallait nécessairement des quilles. Nous étions les quilles, Gérard, nous, le public. Pendant deux heures, les personnages se disputaient et riaient, et lançaient négligemment les boules sur le public. Les gens peu à peu sortaient la salle. A mon tour, je me suis levé de mon siège, je suis allé chercher mon manteau. Nous étions quelques uns au bar à boire un verre de vin - je devais rester jusqu'à la fin de la pièce pour féliciter le metteur en scène d'employer l'argent public avec tant d'imagination. Quand la dernière personne a quitté la salle et qu'il est arrivé au bar, elle avait des bleus partout, on a entendu les quatre personnages crier spare!

samedi 2 janvier 2016

46

Et donc, cet écrivain, R. Neir, paradoxalement, récrit ces phrases qu'il vient tout juste d'effacer.

vendredi 1 janvier 2016

45

Il avait perdu un pari. Au 1er janvier 2007, il devait vivre une semaine selon le calendrier de l'année suivante. Il s'est pris au jeu à tel point qu'aujourd'hui encore il vit avec une année d'avance. Sa montre, son agenda, sa télévision, tout est réglé à l'an qui suit celui que nous vivons. Impossible de revenir en arrière, cela causerait trop de bouleversement dans son quotidien. Qu'on se rassure nous dit-il depuis là où il vit, les jours s'écoulent effectivement selon les prévisions du calendrier.