mardi 10 novembre 2015

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Un documentaire sur la campagne électorale de Gérard Dèmos sortit quelques mois après son élection, en quatre parties:

I) Échauffement: primaires du parti
II) Marathon: au coeur de la campagne
III) Sprint final: convaincre les indécis
IV) Victoire

Le réalisateur le questionnait sur son état physique, sa capacité à gérer la pression, l'endurance nécessaire à une telle épreuve; comment envisageait-il la possibilité de terminer sur la deuxième marche du podium, quel regard portait-il sur son principal adversaire, sa tactique, la gestion du calendrier, comment ménager ses efforts...
Les chefs de rayons des magasins multimédia ne furent pas dupes. Ils rangèrent le DVD au rayon "sport", "divertissement"; rarement au rayon "politique".

lundi 9 novembre 2015

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Se posa rapidement le problème de la représentativité.
Comment représenter tous ceux qui avaient voté pour qu'il les représente alors qu'il ne parvenait pas à se les représenter?

dimanche 8 novembre 2015

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Sous Gérard Dèmos, pour la première fois de son histoire, le pays atteignit le plein-emploi. Autorités politiques et entreprises travaillèrent ensemble si efficacement que le chômage, durant une certaine période, n'exista plus. Mais les employés d'agences d'intérim et les fonctionnaires des offices de placement, n'ayant plus rien à faire, furent licenciés.

"Plein-emploi: situation où les uns perdent leur travail parce que les autres en ont trouvé, précisément parce que le travail des uns consistait à aider les autres à en trouver", tel fut l'explication de Gérard Dèmos à un journaliste, déconcerté, qui l'interrogeait sur la récente augmentation du taux chômage.

samedi 7 novembre 2015

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Gérard Dèmos venait d'être élu président d'un pays démocratique et avait donc été démocratiquement élu. Ses électeurs, affirmait un analyste à la veille, au soir et au lendemain de son élection, sont essentiellement de la tranche des 18-90 ans. C'était d'ailleurs le principal point de son programme électoral: se faire le porte-voix des gens de cette tranche d'âge, tellement négligés par les précédents gouvernements. Son principal rival, Patrick Perdu, dont le discours s'adressait aux 0-17 ans et aux 90-115 ans semble ne pas avoir réussi à convaincre les électeurs, poursuivait l'analyste.

vendredi 6 novembre 2015

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"Ton heure sera la mienne", dit Paul à Pierre en parlant de leur rendez-vous du lendemain. Effectivement, son heure fut la sienne; à tel point qu'arrivés sur le lieu de rendez-vous, le quai n°1, ce fut leur heure à tous les deux, écrasés par un wagon qui déraillait.
C'était le train de 16h04 qui venait d'entrer en gare, avec deux minutes d'avance.

jeudi 5 novembre 2015

0 - Vers un blog chaque jour plus désuet

Ce blog, vous l'avez remarqué, tombe en désuétude - ou plutôt vous ne l'avez pas remarqué puisque, tombant en désuétude, vous n'y venez plus depuis longtemps. Donc, je vous informe, si cela fait longtemps que vous n'êtes plus passés par là, que ce blog, effectivement, contrairement à ce que voudrait faire croire ce billet qui parle contre ce que je veux dire, tombe en désuétude. J'use de ce blog pour vous le dire.

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Le format du blog a cet avantage que chaque jour, le texte tombe en désuétude, remplacé par un autre. Le texte n'a rien d'actuel. Seule la page est à actualiser.

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Un homme désespéré de l'usage que les autres hommes faisaient du langage dit un jour "Je me tais", et il ne parla plus. Seulement, ses derniers mots, qui avaient bel et bien été prononcés lui firent réaliser qu'il pervertissait lui aussi le langage, l'utilisant pour dire l'inverse de ce que - je tombe moi-même dans ce piège. Tant pis. Je n'ai pas la prétention de me taire. Il avait fallu - pour cet homme - parler pour se taire. Insupportable idée. Il porta à son égard le coup fatal: se trancher la gorge. Désormais, seul du sang sortait de sa bouche. On peut penser qu'il a réussi. On peut aussi penser que sang est un mot, et que cet homme ne cesse d'en déverser. Quel échec.

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Ce blog prend une direction et se donne une discipline nouvelles avec chaque jour de nouveaux et aussitôt périmés textes, forcément plus brefs, à l'image de ceux-ci.
Pour le simple plaisir de se pianoter le cerveau et d'utiliser le clavier.

mercredi 10 juin 2015

La peur de l'avion déboussole


J'ai quand même quitté l'Irlande.
A bord, déjà un peu ivre, j'ai immédiatement commandé quelques unes de ces petites bouteilles de 4cl de Jameson pour me guérir du trajet en avion; j'ai liquidé mes dernières pièces (le jeu de mots ne fonctionne pas dans mon anglais mais l'hôtesse a souri); j'ai peur de l'avion; je préfère l'ivresse à l'angoisse; les heures en avion sont les seules heures que je refuse de vivre


si bien qu'en me réveillant, j'étais incapable de dire si l'on arrivait à Genève ou si l'on quittait Dublin; la verdure, l'altitude, les maisons, la piste... le monde était le même qu'avant mon sommeil. Il a fallu que le couple à côté se dispute à propos du nom de la commune que nous étions en train de survoler pour comprendre que l'atterrissage était imminent et l'Irlande bien loin déjà.